Vivre, quelle chose étrange! Si vous lisez ces lignes, c’est que, comme moi, vous êtes engagé
dans l’aventure mystérieuse et complexe de la vie.
De notre existence, nous ne percevons qu’une infime partie. Par exemple, lorsque nous bougeons nos doigts, nous n’avons ni conscience des subtils mécanismes en jeu, ni des processus qui ordonnent notre volonté: aussi ignorons-nous tout des combats immunitaires, des réactions chimiques et des multiplications biologiques qui, sans cesse, régissent les fonctions de notre corps. Pourtant, malgré notre profonde ignorance de ces processus, nous sommes bien le conducteur du complexe édifice de nos 40.000 milliards de cellules... Premier vertige!
Et, quand par une nuit étoilée, nous cherchons à comprendre notre place dans l’univers, les dimensions colossales de l’espace nous répondent avec de majestueux abîmes insondables. Le «minus» qui cherche à compter n’est pas prêt de comprendre la grandeur de notre environnement intergalactique.
Par exemple, la lumière si rapide met une seconde pour faire le trajet de la lune à la terre, environ huit minutes à venir du soleil, environ quatre ans depuis la première étoile et 2,5 millions d’années depuis les galaxies les plus proches. Cela dans un univers constitué de milliards de galaxies...
Heureusement, pour ne pas faire constamment disjoncter l’esprit humain, la nature a le bon goût de masquer le gouffre de ses distances infinies pendant le jour. Quand on sait, et il suffit de le calculer, que dans un trou cubique d’un kilomètre de côté, on met largement tout le volume de l’humanité... on mesure notre petitesse.
Alors que nous reste-t-il? Heureusement, l’être humain peut se réconforter en contemplant son entourage, oui, (ouf!) il y a encore plus petit que nous! Pour une fois les insectes, si énervants à d’autres occasions, nous semblent sympathiques, ils sont si insignifiants (les pauvres). Cela permet à l’homme de sauver la face et de s’installer dans une quiétude bien méritée. Pour trouver sa place, il suffit de ne pas regarder trop haut et d’ignorer soigneusement les espaces gloutons en chiffres.
Les conquêtes et la maîtrise que l’homme étend sur la planète Terre sont largement suffisantes pour donner à l’homme le sentiment d’exister.
Mais là encore, si vous pensez avoir résolu la question de votre vie en vous situant dans la longue histoire de l’humanité conquérante, vous n’êtes pas à l’abri d’autres troublantes questions. Car, dans le dédale des espèces vivantes, l’homme n’est pas le plus perfectionné!
Eh oui, aussi dérangeant que cela puisse être, l’homme a tout à envier aux fantastiques capacités techniques qui équipent les autres espèces (dont les insectes!) Pour le prouver, il suffirait d’ouvrir les Jeux olympiques aux espèces animales. Certes, la proximité des lions, de même que l’haleine des tigres et des guépards donneraient une certaine fougue aux athlètes de marathon, mais ce dopage émotionnel n’empêcherait nullement les fauves d’attendre tranquillement les coureurs à la ligne d’arrivée... la bouche grande ouverte.
Pour ne pas heurter la sensibilité d’autres sportifs, nous ne mettrons pas trop l’accent sur les capacités que certains poissons pourraient démontrer dans une piscine réglementaire, ou celles d’autres espèces animales dans des concours de sauts ou d'agilité... Avouez qu’il est difficile de ne pas sourire des performances des haltérophiles en découvrant qu’avec humour (ou pour susciter l’humilité) le créateur a ingénument créé une espèce animale qui arrache et soulève des troncs avec le... nez!
Non, l’homme n’est pas le plus fort et, pour s’en convaincre, il suffit de songer à la longueur de nos dents et à l’inefficacité de nos ongles. Sans fourrure pour affronter les écarts de température, sans ailes pour fuir les dangers, sans carapace, sans camouflage et sans poison, l’homme est un démuni (souvent complexé) qui a bien de la peine à accepter son affligeante pauvreté.
En prenant la mesure de lui-même, l’homme avisé devrait porter quelques étiquettes le rappelant à l’humilité: fragile – denrée périssable – évitez les coups, et face au temps qui passe: date limite.
Reference: "Comment bien Gérer son Capital de Vie", Jacques-Daniel Rochat